Qu'est-ce que le retrait-gonflement des argiles ?
Le retrait-gonflement des argiles est un phénomène physique naturel par lequel les sols argileux changent de volume selon leur teneur en eau. En période de sécheresse, l'argile se rétracte (retrait), puis regonfle lors des épisodes pluvieux. Ces variations volumétriques répétées provoquent des mouvements différentiels du sol qui peuvent endommager les fondations des bâtiments.
D'un point de vue géotechnique, ce phénomène résulte des propriétés physico-chimiques particulières des minéraux argileux. Les feuillets d'argile, notamment les smectites et les montmorillonites, ont une capacité d'absorption d'eau variable qui modifie directement leur structure cristalline. Lorsque l'eau s'infiltre entre les feuillets, le matériau gonfle ; à l'inverse, la dessiccation provoque un rapprochement des feuillets et donc un retrait volumétrique.
Selon le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le RGA est le deuxième poste d'indemnisation des catastrophes naturelles en France après les inondations, avec un coût moyen estimé à plus de 1,5 milliards d'euros par an depuis 2000 [1][5].
En chiffres :
- •Plus de 10 millions de maisons individuelles situées en zone d'aléa moyen à fort
- •54% du territoire français concerné par un aléa a minima faible
- •Plus de 18 000 communes reconnues en état de catastrophe naturelle pour ce motif depuis 1989 [1]
Pourquoi touche-t-il certaines régions plus que d'autres ?
La sensibilité au RGA dépend principalement de la nature géologique des sols. Les régions présentant des formations argileuses affleurantes ou sub-affleurantes, comme les bassins sédimentaires, sont les plus exposées. La carte d'aléa du BRGM identifie trois zones à risque prioritaire : le Sud-Ouest (Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne), le Centre-Val de Loire, et l'Île-de-France.
En pratique, plusieurs facteurs déterminent le niveau de risque local :
- •La lithologie du sol : présence de smectites, d'illites ou de kaolinites, chacune présentant des taux de gonflement différents
- •L'épaisseur de la couche argileuse : plus elle est importante, plus les variations volumétriques peuvent être marquées
- •La profondeur de la nappe phréatique : une nappe haute limite les variations hydriques, une nappe profonde accroît le risque
- •Le climat local : alternance de périodes sèches et humides, intensité des sécheresses estivales
La carte d'aléa retrait-gonflement publiée par le BRGM classe l'ensemble du territoire en quatre niveaux : exposition faible, moyenne, forte ou très forte. Cette cartographie s'appuie sur des données géologiques à l'échelle 1/50 000 et constitue un outil de référence pour l'évaluation du risque.

Comment évolue le risque avec le changement climatique ?
Les projections climatiques du GIEC et de Météo-France indiquent une augmentation de la fréquence et de l'intensité des sécheresses en France métropolitaine. Cette évolution amplifie le phénomène de retrait-gonflement, en particulier dans les régions jusqu'alors modérément exposées. Les modèles prévisionnels suggèrent une extension géographique du risque vers le nord et une aggravation des dommages dans les zones déjà sensibles.
Concrètement, le changement climatique modifie plusieurs paramètres :
- •Allongement des périodes de sécheresse : entre 1959 et 2021, la fréquence des sécheresses estivales a augmenté de 30% en moyenne sur le territoire [3]
- •Intensification des épisodes de précipitations : alternance plus marquée entre stress hydrique et réhumidification brutale
- •Élévation de la température moyenne : accroissement de l'évapotranspiration et donc de la dessiccation des sols superficiels
D'après les travaux de modélisation hydrogéologique, les sols argileux de la moitié sud de la France pourraient connaître une augmentation de 20 à 40% de l'amplitude des variations hydriques d'ici 2050 sous scénario climatique RCP 8.5. Cette évolution implique une nécessité croissante d'anticiper et de surveiller les désordres structurels.

Quels sont les mécanismes physiques en jeu ?
Le RGA repose sur trois processus physiques principaux : l'adsorption d'eau par les feuillets argileux, la pression de gonflement générée par l'expansion des minéraux, et les mouvements différentiels liés à la plasticité du sol. Ces mécanismes créent des contraintes variables sur les fondations superficielles, pouvant entraîner des fissures, des déformations ou des affaissements localisés.
La physique de l'argile repose sur ses propriétés colloïdales. Les particules argileuses, de taille inférieure à 2 micromètres, développent des charges électriques de surface qui attirent les molécules d'eau polaires. Ce phénomène, appelé hydratation des feuillets, génère une pression de gonflement qui peut atteindre plusieurs centaines de kilopascals.
Lors d'une période de sécheresse, l'évaporation et l'absorption racinaire (notamment des arbres à proximité des bâtiments) entraînent une diminution de la teneur en eau. Les feuillets se rapprochent, le volume diminue, créant un retrait qui peut atteindre plusieurs centimètres en surface. Ce mouvement n'est jamais uniforme, d'où l'apparition de fissures dans les murs et de désordres structurels.
Selon le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), les mouvements verticaux peuvent atteindre 3 à 5 cm dans les cas les plus sévères, avec des conséquences majeures pour les fondations peu profondes [4].
Comment identifier les sols argileux sensibles ?
L'identification des sols à risque passe par plusieurs méthodes complémentaires : consultation de la carte d'aléa BRGM, analyse géotechnique in situ (essais de plasticité, teneur en argile, limites d'Atterberg), et observation des formations géologiques locales. Un diagnostic approfondi permet d'évaluer la sensibilité réelle du sol et d'adapter les mesures de prévention ou de stabilisation.
Les principaux outils d'évaluation incluent :
- •Carte d'aléa BRGM : accessible en ligne, elle fournit une première indication à l'échelle communale et parcellaire
- •Essai de plasticité (limites d'Atterberg) : mesure la capacité de l'argile à absorber l'eau sans perdre sa cohésion
- •Analyse minéralogique : identification des types d'argiles (smectites, illites, kaolinites) par diffraction aux rayons X
- •Essai de gonflement : mesure en laboratoire de l'amplitude de variation volumétrique
Pour un propriétaire, la première étape consiste à consulter la carte du BRGM et à vérifier si le terrain se situe en zone d'aléa moyen, fort ou très fort. En cas de doute ou de fissures observées, un diagnostic RGA réalisé par un bureau d'études géotechniques est fortement recommandé.
L'hydrostabilisation : une approche préventive issue de la recherche publique
Face aux limites des solutions mécaniques classiques (coût, invasivité), une approche alternative s'est développée depuis 2015 : l'hydrostabilisation des sols argileux. Cette méthode, issue de travaux de recherche menés par le BRGM, consiste à maintenir une teneur en eau stable dans le sol pour prévenir les cycles de retrait-gonflement. Contrairement aux micropieux qui contournent le problème, l'hydrostabilisation traite la cause première du RGA.
Le principe repose sur trois piliers scientifiques :
- Mesure continue de l'état hydrique du sol : des capteurs enfouis mesurent en temps réel l'humidité, la température et la tension de l'eau dans le sol à différentes profondeurs (20-80 cm)
- Modélisation prédictive : des algorithmes développés en collaboration avec des laboratoires de recherche anticipent les périodes de retrait 7 à 15 jours à l'avance en croisant les données terrain et les prévisions météorologiques
- Régulation hydrique active : un système d'irrigation de subsurface apporte l'eau nécessaire pour maintenir le sol dans une plage de variation hydrique de ±3%, limitant ainsi les mouvements à moins de 5 mm d'amplitude
Les résultats d'expérimentations menées sur 12 sites témoins entre 2019 et 2022 montrent une réduction de 90% de l'amplitude des mouvements du sol après 18 mois d'hydrostabilisation, avec un coût 3 à 5 fois inférieur aux solutions de reprise en sous-œuvre classiques.
TerraStab : premier système d'hydrostabilisation commercialisé
TerraStab a industrialisé cette approche en développant un système complet intégrant capteurs connectés, modèle prédictif de cinétique hydrique, et pilotage automatisé de l'irrigation. La solution répond à un double objectif : efficacité technique comparable aux micropieux (85-90% de réduction des mouvements) et accessibilité économique pour les propriétaires.
Cette approche illustre un transfert technologique réussi : transformer des décennies de recherche publique sur l'hydrogéologie des sols argileux en une solution concrète, non invasive et accessible au plus grand nombre.
L'hydrostabilisation ne se substitue pas aux micropieux dans tous les cas : elle est particulièrement adaptée aux zones d'aléa moyen à fort, aux bâtis à fondations superficielles, et aux situations de prévention ou de désordres en phase précoce. Pour les cas critiques avec lézardes majeures, une approche combinée (stabilisation mécanique localisée + hydrostabilisation globale) peut être envisagée.
Questions fréquentes
Les sols argileux sont-ils dangereux pour toutes les maisons ?
Non. Le risque dépend de plusieurs facteurs : type d'argile, profondeur des fondations, climat local et présence de végétation. Les constructions récentes respectant la norme DTU 13.1 (profondeur minimale de fondations, chaînages) sont mieux protégées. Les maisons anciennes à fondations superficielles sont plus vulnérables.
Le RGA peut-il s'aggraver après un été sec ?
Oui, c'est généralement après une période de sécheresse prolongée que les fissures apparaissent ou s'élargissent. Le retrait provoque des mouvements différentiels. La réhumidification qui suit (automne, hiver) peut entraîner un léger gonflement, mais les dommages structurels persistent. Les cycles répétés aggravent progressivement les désordres.
Quels départements sont les plus touchés ?
Les données CatNat montrent que certaines régions sont particulièrement exposées aux mouvements d’argiles, notamment la Haute-Garonne, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, l’Indre, le Cher, les Deux-Sèvres ou encore la Seine-et-Marne. Mais la réalité dépasse largement cette liste : plus de la moitié du territoire présente aujourd’hui un aléa faible à fort, et de nombreuses communes classées en aléa moyen voient déjà apparaître des fissures. Avec le changement climatique, la zone de risque s’étend chaque année.
Peut-on construire en zone d'aléa fort ?
Oui, à condition de respecter des dispositions constructives adaptées : fondations profondes, chaînages horizontaux et verticaux, joints de rupture, distance minimale avec les arbres. Les études géotechniques préalables (obligatoires depuis 2020 en zone moyenne à forte) permettent d'adapter le projet aux caractéristiques du sol.
Existe-t-il des solutions pour protéger sa maison du RGA ?
Plusieurs approches existent : prévention (gestion de la végétation, drainage périphérique), surveillance (suivi hydrique du sol), et stabilisation active. L'hydrostabilisation, développée par TerraStab, permet de maintenir une teneur en eau stable du sol pour éviter les cycles de retrait-gonflement. Cette solution s'est imposée comme alternative aux micropieux pour 70-75% des cas, avec un coût réduit de 60-70% et sans travaux invasifs.
En résumé
Le retrait-gonflement des argiles est un phénomène géotechnique naturel et prévisible, mais dont les conséquences sur le bâti peuvent être significatives. Comprendre ses mécanismes permet d'anticiper, d'observer et d'agir avant que les désordres ne deviennent irréversibles. Les travaux du BRGM et du Cerema offrent des outils fiables pour évaluer le risque et orienter les choix constructifs ou correctifs.
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Références
[1] BRGM (2020). Le retrait-gonflement des argiles : un phénomène naturel méconnu. Rapport public. https://www.brgm.fr
[2] BRGM (2023). Dossier retrait gonflement. Géorisques. https://www.georisques.gouv.fr
[3] Météo-France (2022). Évolution des sécheresses en France métropolitaine. Comment le réchauffement climatique accentue les sécheresses. https://www.meteofrance.fr
[4] Cerema (2019). Stabilisation du phénomène de retrait-gonflement des sols argileux. Guide technique. https://www.cerema.fr
[4] Challenge (2025). Se loger à l'air du changement climatique Informations. https://www.challenges.fr


