Pourquoi ma maison se fissure-t-elle ?
Les fissures résultent de contraintes exercées sur les matériaux de construction lorsque le sol sous les fondations se déforme. Dans le cas du retrait-gonflement des argiles, les variations hydriques du sol provoquent des mouvements différentiels : certaines parties du bâtiment se soulèvent ou s'affaissent, créant des tensions qui se traduisent par des fissures sur les murs, les façades ou les cloisons.
D'un point de vue mécanique, les fissures apparaissent lorsque les contraintes de traction ou de cisaillement dépassent la résistance du matériau. Sur un sol argileux, trois scénarios principaux se produisent :
- •Retrait différentiel : en période sèche, le sol sous une partie de la maison se rétracte plus qu'ailleurs (par exemple près d'un arbre), entraînant un affaissement localisé
- •Gonflement hétérogène : après réhumidification, certaines zones gonflent plus que d'autres, provoquant un soulèvement partiel
- •Cycle répété : l'alternance de ces mouvements fragilise progressivement la structure, élargissant les fissures existantes
Selon une étude du Cerema (2019), près de 60% des fissures observées sur maisons individuelles en zone argileuse sont liées au RGA, contre 25% pour les défauts de construction et 15% pour d'autres causes (tassement naturel, dilatation thermique) [1].
À noter : Les fissures liées au RGA apparaissent généralement en fin d'été ou début d'automne, après une période de sécheresse prolongée. Elles peuvent se stabiliser temporairement en hiver mais reprennent souvent leur évolution au cycle suivant.
Comment distinguer une fissure bénigne d'un désordre structurel ?
Toutes les fissures ne nécessitent pas d'intervention immédiate. Les microfissures superficielles (largeur inférieure à 0,2 mm) sont généralement bénignes et liées au retrait normal des enduits. Les fissures structurelles, en revanche, traversent l'épaisseur du mur, dépassent 2 mm de largeur, et évoluent au fil des saisons. Leur localisation, orientation et évolutivité sont les critères déterminants pour évaluer leur gravité.
Le tableau suivant, inspiré des recommandations de l'Agence Qualité Construction (AQC), résume les principaux types de fissures [2] :
| Type de fissure | Largeur | Gravité | Causes probables |
|---|---|---|---|
| Microfissure | < 0,2 mm | Faible | Retrait de l'enduit, variations thermiques |
| Fissure fine | 0,2 à 2 mm | Modérée | Mouvement limité du sol, tassement local |
| Fissure traversante | > 2 mm | Importante | Mouvement différentiel du sol, RGA, défaut de fondation |
| Lézarde | > 5 mm | Critique | Mouvement majeur, risque structurel |
Visualisation des types de fissures

Fissure traversante

Fissure fine

Lézarde

Micro-fissure
En pratique, plusieurs critères permettent d'évaluer la gravité :
- •Largeur : mesurer avec un fissuromètre ou une simple jauge
- •Profondeur : une fissure traversante (visible des deux côtés du mur) est plus préoccupante
- •Évolution : installer des témoins en plâtre ou en verre pour suivre l'ouverture dans le temps
- •Localisation : fissures en façade, aux angles des ouvertures (portes, fenêtres), ou en escalier sur les joints de briques
Signes d'alerte : Si les fissures s'accompagnent de portes ou fenêtres difficiles à ouvrir, de déformations visibles du sol ou des plafonds, ou d'un décollement de l'enduit, il est recommandé de consulter rapidement un expert en bâtiment.
Les fissures reviennent-elles toujours après l'été ?
Oui, dans le cas du RGA, les fissures ont tendance à réapparaître ou à s'agrandir après chaque période de sécheresse. Le cycle saisonnier impose des contraintes répétées sur la structure : retrait estival, léger gonflement automnal, stabilisation hivernale. Sans traitement de la cause sous-jacente (variation hydrique du sol), les désordres persistent et s'aggravent progressivement au fil des années.
Ce caractère cyclique distingue les fissures liées au RGA des fissures dues à un tassement ponctuel (qui se stabilisent après quelques mois) ou à un défaut de construction (qui apparaissent généralement dans les deux premières années).
Les observations du BRGM sur différents sites exposés au phénomène de retrait-gonflement montrent que, dans les zones d'aléa fort, le sol peut se déformer de plusieurs millimètres à quelques centimètres chaque année selon la météo et la profondeur. Avec le temps, ces mouvements répétés provoquent un élargissement progressif des fissures, qui peuvent passer de simples traces superficielles à de véritables lézardes structurelles si aucune réparation n'est effectuée.

La seule réparation esthétique (rebouchage, enduit) ne suffit donc pas. Il est nécessaire de stabiliser le sol sous-jacent ou d'adapter les fondations pour interrompre le cycle de dégradation.
Quels sont les signes visuels complémentaires à surveiller ?
Au-delà des fissures visibles, plusieurs indices révèlent un mouvement du sol : décollement des plinthes, fissures au plafond en forme de toile d'araignée, affaissement du dallage, déformation des portes ou fenêtres, ou encore fissures en escalier suivant les joints de maçonnerie. Ces symptômes, pris ensemble, renforcent l'hypothèse d'un mouvement différentiel lié au RGA.
Les experts en pathologie du bâtiment utilisent une grille d'observation systématique :
- Façades et murs extérieurs : fissures verticales aux angles, fissures horizontales en partie basse (soulèvement), fissures obliques en escalier
- Ouvertures : déformation du linteau, écartement entre cadre et mur, difficulté d'ouverture ou de fermeture
- Intérieur : fissures au plafond, décollement des revêtements muraux, affaissement du carrelage
- Soubassement et vide sanitaire : fissures dans les murs de fondation, infiltrations d'eau, traces d'humidité
La présence simultanée de plusieurs de ces signes justifie un diagnostic RGA approfondi incluant une étude géotechnique du sol et une expertise structurelle du bâtiment.
Faut-il réparer les fissures immédiatement ou attendre ?
La réponse dépend de la gravité et de l'évolutivité. Pour les microfissures superficielles, une surveillance suffit généralement. Pour les fissures structurelles actives, il est recommandé d'intervenir sans attendre leur aggravation. Cependant, toute réparation doit être précédée d'un diagnostic pour identifier et traiter la cause : reboucher une fissure sans stabiliser le sol revient à masquer le symptôme sans résoudre le problème.
Les étapes recommandées par le Cerema sont les suivantes [1] :
- Observer et documenter : photographier, mesurer, poser des témoins
- Évaluer l'évolution sur au moins un cycle saisonnier complet (6 à 12 mois)
- Réaliser un diagnostic géotechnique si les fissures sont évolutives ou dépassent 2 mm
- Mettre en œuvre une solution adaptée : stabilisation du sol, reprise en sous-œuvre, drainage
- Réparer les fissures une fois la cause traitée, en utilisant des matériaux souples capables d'absorber de légers mouvements résiduels
Reboucher prématurément une fissure active peut donner une fausse impression de résolution, mais la contrainte sous-jacente persiste et se manifestera ailleurs ou réouvrira la même fissure.
L'hydrostabilisation pour freiner l'évolution des fissures
Pour les fissures en phase précoce (largeur inférieure à 2-3 mm) sur sols argileux, une approche émergente consiste à stabiliser l'humidité du sol pour interrompre le cycle de retrait-gonflement. L'hydrostabilisation, développée depuis 2015 en collaboration avec le BRGM et l'INRAE, maintient le sol dans une plage de variation hydrique stable (±3%), limitant ainsi les mouvements qui provoquent l'élargissement des fissures.
Cette méthode s'applique dans des cas spécifiques :
- •Fissures fines évolutives (0,2 à 2 mm) : en phase précoce, avant que les désordres ne deviennent structurels majeurs
- •Sols moyennement à fortement argileux : zones d'aléa moyen à fort où les variations hydriques sont la cause principale
- •Fondations superficielles : maisons avec semelles filantes ou plots, les plus sensibles aux mouvements du sol
- •Alternative ou complément : lorsque les micropieux sont trop coûteux ou impossibles (accès, budget)
Des expérimentations sur sites témoins (2019-2022) montrent que le maintien d'une humidité stable permet de stabiliser 78% des fissures existantes et de réduire de 90% l'amplitude des mouvements futurs du sol. Cette approche ne remplace pas la réparation des fissures mais traite la cause de leur évolution.
TerraStab : un système d'hydrostabilisation pour freiner les fissures actives
TerraStab propose un système automatisé de régulation hydrique basé sur des capteurs enterrés, un modèle prédictif, et une irrigation de subsurface. L'objectif : maintenir le sol stable pour éviter que les fissures ne s'aggravent au fil des cycles saisonniers. Coût indicatif : 4 000 à 8 000 € pour une maison de 100-150 m², soit 3 à 6 fois moins qu'une reprise en sous-œuvre. Cette solution s'adresse aux propriétaires cherchant une alternative non invasive aux travaux lourds, particulièrement adaptée aux désordres en phase précoce.
L'hydrostabilisation n'est pas adaptée à tous les cas : pour les lézardes majeures (> 5 mm), les affaissements importants, ou les bâtis anciens très dégradés, des solutions mécaniques (micropieux, reprise en sous-œuvre) restent souvent nécessaires. L'évaluation par un expert géotechnique permet de déterminer l'approche la plus adaptée selon l'ampleur des désordres et le contexte du terrain.
Questions fréquentes
Dois-je m'inquiéter d'une fissure verticale ?
Cela dépend de sa largeur, de sa profondeur et de son évolution. Une fissure verticale fine et stable peut être bénigne. En revanche, une fissure verticale évolutive, située à l'angle d'un mur ou au niveau d'une ouverture, peut signaler un mouvement différentiel du sol. Installez un témoin et surveillez son évolution sur plusieurs mois.
Découvrir les méthodes de diagnosticLes fissures intérieures et extérieures ont-elles la même cause ?
Pas toujours. Les fissures intérieures peuvent résulter du retrait des cloisons, de variations thermiques ou d'un mouvement du sol. Les fissures extérieures traversantes sont plus souvent liées au RGA ou à des défauts de fondations. Si les deux types apparaissent simultanément, cela renforce l'hypothèse d'un mouvement structurel. Un diagnostic permet de confirmer l'origine.
Les arbres peuvent-ils aggraver les fissures ?
Oui. Les racines des arbres, en particulier des espèces à fort développement racinaire (chênes, peupliers, saules), pompent l'eau du sol en période sèche, accentuant le retrait argileux dans un rayon pouvant atteindre 1,5 fois la hauteur de l'arbre. La distance minimale recommandée entre un arbre et une construction est généralement égale à la hauteur adulte de l'arbre [4].
Une fissure peut-elle se refermer seule ?
Partiellement, oui. Lors de la réhumidification du sol (automne, hiver), le gonflement peut réduire l'ouverture d'une fissure apparue en été. Cependant, la contrainte structurelle demeure, et la fissure se rouvrira au cycle suivant. Ce comportement cyclique est caractéristique du RGA et ne constitue pas une résolution spontanée du problème.
Quand contacter un expert en bâtiment ?
Dès que les fissures dépassent 2 mm de largeur, qu'elles évoluent rapidement (plus de 1 mm en quelques mois), qu'elles traversent le mur, ou qu'elles s'accompagnent de déformations (portes, fenêtres, sol). Un expert pourra réaliser une expertise pathologique et orienter vers des solutions adaptées.
Comprendre les options de stabilisationEn résumé
Les fissures dans les murs sont des signes visibles de contraintes souvent invisibles. Sur sols argileux, elles révèlent généralement un mouvement différentiel du sol lié au retrait-gonflement. Observer, mesurer et documenter leur évolution permet de distinguer les désordres bénins des désordres structurels. Toute réparation durable commence par un diagnostic de la cause, et non par un simple rebouchage esthétique.
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Références
[1] Cerema (2019). Pathologies liées au retrait-gonflement des argiles : identification et solutions. Guide technique. https://www.cerema.fr
[2] AQC – Agence Qualité Construction (2018). Fissures dans les maisons individuelles : diagnostic et prévention. Collection Pathologies du bâtiment. https://qualiteconstruction.com
[3] BRGM (2021). Suivi de sites témoins en zone d'aléa retrait-gonflement fort. Rapport d'étude RP-57011-FR. Télécharger le rapport PDF
[4] DTU 13.1 (2019). Fondations superficielles : recommandations de conception en zone argileuse. Norme NF P11-211. AFNOR. https://www.afnor.org


